Le Medef pourrait-il abandonner la partie?

Par: François Wenz-Dumas
Libération, 26 janvier 2001

Il laisserait bien le cadeau empoisonné des retraites à l'Etat. 

Plus que jamais la balle est dans le camp du Medef. Non pas que l'organisation patronale puisse être impressionnée par l'indéniable réussite de la journée d'action organisée par les syndicats. C'est le jeu. En menaçant de mettre fin à la retraite à 60 ans dès le 31 mars 2001, les dirigeants du Medef savent bien qu'ils ont assuré le succès de la manifestation d'hier.

Frontières. Si la balle est dans leur camp, c'est qu'ils vont devoir prendre dans les quinze jours qui viennent une décision lourde de conséquences : se contenter d'un accord peu ambitieux ou abandonner la partie. L'entreprise de «refondation sociale» lancée en novembre 1999 par Ernest-Antoine Seillière et Denis Kessler s'était fixé un objectif : redéfinir les frontières entre le champ d'intervention des partenaires sociaux et celui des pouvoirs publics. Sur la question des retraites, cette démarcation passe actuellement entre l'assurance vieillesse de base et les régimes complémentaires. Les ordonnances Juppé de 1995 ont en effet officialisé le fait que la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse) n'est plus qu'une administration chargée de mettre en œuvre la loi de financement de la Sécurité sociale, tout comme la Cnaf (allocations familiales). Tandis que les 37 caisses complémentaires rassemblées dans l'Agirc (cadres) et les 79 de l'Arrco (non-cadres) ont conservé la liberté de fixer leurs règles de gestion dans le cadre d'accords patronat-syndicats.

Sacrifices. La tentation peut être forte pour l'équipe dirigeante du Medef de remettre à l'Etat les clefs des caisses de retraite. «Du point de vue européen, ce que nous appelons régimes complémentaires est de la protection sociale de base, financée par des prélèvements obligatoires», rappelle Kessler. La logique «entrepreneuriale» que prônent les actuels responsables du Medef, par opposition à la logique «patronale» de l'ex-CNPF, les inciterait à tout abandonner à l'Etat. Et ce avec d'autant plus d'empressement que le cadeau pourrait vite se révéler empoisonné : le gouvernement perdra toute crédibilité s'il cherche à imposer au privé des sacrifices qu'il n'ose demander aux fonctionnaires, déjà dans la rue mardi. Lionel Jospin ironisait hier sur les «contradictions» du patronat qui veut repousser l'âge de la retraite tout en réclamant des aides pour des préretraites à 55 ans. Il a plutôt intérêt à ne pas hériter du bébé.

La seule raison qui fait hésiter les dirigeants du Medef à tourner la page «retraite» est la CFDT. La centrale de Nicole Notat s'est montrée sur l'Unedic une interlocutrice loyale. A aucun moment la CFDT n'a joué un double jeu, assumant une position difficile face aux autres syndicats et au gouvernement. Le Medef, s'il veut continuer à se poser en partenaire social crédible, ne peut pas se retrouver sans interlocuteur syndical sur les dossiers qu'il veut continuer à cogérer : l'emploi avec l'Unedic, les salaires et les conditions de travail.

Grand écart. Son problème est que la marge de manœuvre de la CFDT sur le dossier retraite est beaucoup plus faible que sur l'Unedic. Elle ne peut pas faire le grand écart en demandant aux salariés du privé de nouveaux sacrifices, alors que les fonctionnaires ou les régimes spéciaux (Ratp, EDf) continueraient à bénéficier de leurs avantages. Ces derniers, qui représentent à la CFDT des fédérations influentes, ne sont pas prêts à laisser leur secrétaire générale aller trop loin dans la concession. Dès la semaine prochaine, les négociations devraient reprendre, chacun ayant intérêt à montrer sa volonté de dialogue. Peuvent-elles déboucher ? Tout dépendra de la volonté du Medef de ménager la CFDT, et du prix qu'il est prêt à mettre pour le faire.

 


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