L'Allemagne introduit une dose d'épargne individuelle pour réformer ses retraites

Par: Philippe Ricard
Le Monde, 13 Mai 2001


A dix-huit mois des élections fédérales, Gerhard Schröder marque de nouveaux points


Le chancelier allemand Gerhard Schröder a remporté une nouvelle victoire politique sur l'opposition en faisant adopter, vendredi 11 mai, sa réforme des retraites, qui introduit pour la première fois une dose de capitalisation dans leur financement. Le Bundesrat, la Chambre haute du Parlement, où ni la coalition gouvernementale rouge-verte au pouvoir ni l'opposition ne disposent de la majorité absolue, a finalement voté le texte. 

Un chancelier radieux, une opposition dépitée : c'est le premier effet, visible, de l'adoption, vendredi 11 mai, de la réforme des retraites conçue par le gouvernement de Gerhard Schröder (SPD). Objet de bien de polémiques ces derniers mois, le texte constitue une révolution dans le système traditionnel de l'assurance-vieillesse. Principale innovation : il met en place, à côté des retraites par répartition, dont le niveau sera amené à reculer, une dose de capitalisation individuelle soutenue par un bonus financier versé par l'Etat. "L'évolution de la pyramide des âges a rendu nécessaire la création d'un second pilier",a résumé M. Schröder, vendredi, parlant d'une "réforme historique". A dix-huit mois des législatives, le chancelier boucle ainsi un des principaux projets de son mandat et peut se lancer dans la campagne électorale.

La réforme est historique puisqu'elle cherche à adapter un dispositif initié par Bismarck à la fin du XIXe siècle et la victoire de la coalition rouge-verte est spectaculaire. Déjà entériné en janvier par le Bundestag, le texte a été voté, vendredi, par le Bundesrat, la Chambre haute représentant les Etats régionaux où le gouvernement ne dispose d'aucune majorité absolue. L'exercice était d'autant plus difficile que l'opposition conservatrice et libérale ne voulait pas voter le projet de loi, critiquant sa "complexité", son coût, et son caractère bureaucratique.

Moins d'un an après l'adoption d'une vaste réforme fiscale dans des conditions similaires, il a donc fallu tout l'art tactique du gouvernement pour convaincre les élus issus de Lãnder gouvernés par des coalitions bipartisanes de voter la réforme. Malgré son opposition sur le fond, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) avait indiqué qu'elle tolérerait une certaine indépendance de vote.

STABILISATION

Après de laborieuses négociations, les Lãnder de Berlin et du Brandebourg (tous deux dirigés par le Parti social-démocrate - SPD - et la CDU), de Rhénanie-Palatinat (où le SPD fait alliance avec les libéraux du FDP), et du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (SPD, et les ex-communistes du PDS) ont soutenu le projet. Les Lãnder dirigés par la CDU et l'Union chrétienne-sociale ont voté contre.

La réforme doit entrer en vigueur au 1er janvier 2002. Progression mesurée des cotisations, baisse encadrée du niveau des prestations, le gouvernement a d'abord cherché à stabiliser le système public par répartition, qui risque d'être à terme déstabilisé par le vieillissement alarmant de la population allemande. Surtout, le ministre du travail et des affaires sociales, l'ancien dirigeant syndicaliste Walter Riester (SPD), a réussi à introduire une dose d'épargne retraite individuelle. Assurance-vie, fonds de pension, retraite d'entreprises, les efforts de capitalisation consentis par les actifs, sur la base du volontariat, bénéficieront d'un bonus accordé par l'état (300 marks, soit 158 euros, par personne à partir de 2008, si cette épargne représente 4 % du revenu brut).

L'ensemble de la réforme a reçu le soutien, au fil des mois et des aménagements du projet de loi, des milieux d'affaires et des syndicats. La finance allemande se frotte les mains, car les efforts de capitalisation individuelle devraient dynamiser l'activité du secteur ; les syndicats espèrent quant à eux consolider les prestations retraite offertes par les entreprises, quitte à créer eux-mêmes les fonds de pension à l'anglo-saxonne introduits par la loi (Le Monde du 11 mai 2001).

MUTATION DE L'ÉCONOMIE

L'épineux dossier des retraites constituait le troisième chantier de grande envergure mis en œuvre par le chancelier Schröder pour "rénover l'Allemagne". Le plan de rigueur budgétaire décidé en 1999 avait permis d'assainir les finances publiques - avec des économies de l'ordre de 50 milliards de marks par an d'ici à 2003. La réforme fiscale arrachée en 2000 va permettre de réduire par paliers les impôts des particuliers et des entreprises ; elle a d'ores et déjà accéléré la profonde mutation de l'économie allemande, en facilitant la vente des participations industrielles.

Cette fois, le succès remporté sur les retraites place M. Schröder en bonne position dans la perspective des élections générales de l'automne 2002. Car la CDU, dirigée par Angela Merkel, continue d'avoir du mal à sortir de l'ère Kohl et du scandale sur le financement occulte du parti. La crédibilité de l'opposition est d'autant plus difficile à rétablir que, en moins d'un an, M. Schröder a réussi à faire passer les réformes ambitieuses que son prédécesseur avait été incapable de réaliser dans les dernières années de son règne.


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