L'Europe demande une accélération de la réforme des retraites
En France, on
est tombé des nues. Lorsque les Quinze ont déclaré, le 16 mars,
dans les conclusions du sommet de Barcelone, qu'"il faudrait
chercher d'ici à 2010 à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge
moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité
professionnelle", le centriste François Bayrou est immédiatement
monté au créneau : "Jacques Chirac et Lionel Jospin, tous
les deux, ont signé une décision capitale sur l'allongement de la durée
de cotisation pour les retraites d'ici à 2010 en Europe. Qui en a débattu ?
Qui en a dit un mot ? Quel citoyen, quel député, quel parlementaire
a été invité à la préparation de cette décision capitale ?
Personne." Sur la forme,
l'Europe s'empare subrepticement du dossier des retraites, les Quinze
ayant aussi demandé à Barcelone "que la réforme des régimes
des retraites soit accélérée en vue de garantir tant leur viabilité
financière que la réalisation de leurs objectifs au niveau social".
La Commission et le conseil remettront un rapport conjoint sur le sujet
dans un an. Ce glissement se fait sans vrai débat. "Ce n'est pas
un sujet qui a fait l'objet d'une méditation collective. A ma
connaissance, il n'y a pas eu de document de synthèse mettant en évidence
pourquoi il s'agissait d'un sujet d'intérêt collectif",
commente un diplomate à Bruxelles. ARME À
DOUBLE TRANCHANT Officiellement,
bien sûr, les conclusions d'un conseil comme celui de Barcelone ne sont
pas contraignantes. De multiples recommandations sont, par le passé, restées
lettre morte. Mais les choses évoluent. Ces communiqués font de plus en
plus l'objet d'âpres négociations, les chefs d'Etat et de gouvernement
voulant montrer la direction que doit prendre l'Europe. "C'est une
arme à double tranchant. Plus les conclusions du conseil deviennent spécifiques,
plus la Commission peut revenir, plus tard, en disant : "Vous
avez choisi d'être précis, maintenant, nous vous forçons à tenir vos
engagements"", explique le porte-parole de la commissaire
aux affaires sociales, Anna Diamantopoulou. Sur le fond,
le Conseil européen n'a pas, contrairement à ce qu'a dit M. Bayrou,
parlé officiellement d'allonger la durée des cotisations ou de repousser
l'âge légal de la retraite. Il demande avant tout de réduire le nombre
des préretraites, dans le cadre de la stratégie arrêtée à Lisbonne en
1999, qui vise à atteindre un taux d'emploi des 15-64 ans de 70 %
dans l'Union européenne. Il n'empêche : quand on veut retarder de
cinq ans le départ en retraite, alors que la moyenne européenne est de
58 ans, on arrive à un départ moyen de 63 ans. L'objectif
chiffré semble peu compatible avec la retraite à 60 ans. La France
s'est donc trouvée en difficulté sur ce sujet, tous ses partenaires
ayant décidé de repousser, au moins pour les hommes, l'âge de la
retraite à 65 ans. CONTORSIONS
FRANÇAISES Jacques
Chirac et Lionel Jospin ont cherché à atténuer le projet de conclusion
de la présidence espagnole qui demandait "de chercher d'ici à
2010 à faire passer progressivement l'âge moyen effectif de la retraite,
qui est actuellement de 58 ans, à 65 ans"et se sont
livrés à des contorsions en conférence de presse. "Jamais la présidence
ne s'est fixé pour objectif de faire passer l'âge de la retraite de 58 à
65 ans, s'est défendu Jacques Chirac. Mais (...) telle
qu'elle s'était exprimée, j'étais persuadé que certains seraient tentés
d'en tirer cette conclusion. Et, lorsque nous sommes intervenus, le
premier ministre et moi, sur ce point, c'est précisément parce que nous
avions le sentiment que cela pouvait être interprété comme cela." Lionel Jospin
précisait, quant à lui, que, "pour nous, l'âge légal de la
retraite est de 60 ans". "Quand on parle de relever
l'âge moyen de cessation d'activité, ce n'est pas tellement pour les
gens au-dessus de 60 ans, mais cela peut être aussi pour des gens à
50 ans ou à 52 ans dont nous souhaitons, au contraire, qu'ils
puissent, comme ils le souhaitent eux-mêmes, travailler plus longtemps." A Bruxelles,
on se veut pragmatique : "La Commission n'a pas le droit de
se mêler de l'âge légal de la retraite. Mais ce qui nous intéresse,
c'est le profil économique du marché du travail. C'est pour cela que la
Commission vise à changer radicalement l'âge de départ effectif du
marché du travail, qui, dans certains pays, dépasse de peu les 50 ans",
explique-t-on à la Commission. Alors que les
ministres des affaires sociales sont traditionnellement incapables
d'aboutir à un accord - les pays libéraux ou à bonne qualité de
dialogue social, comme la Scandinavie et l'Allemagne, ne veulent pas
entendre parler de Bruxelles sur ce sujet —, ce sont les ministres des
finances qui forcent le dossier à avancer : au nom du respect du
pacte de stabilité et de croissance qui encadre les finances des pays de
la zone euro et se transforme en une arme à tout réformer. "Un
Etat membre qui n'a pas mis en ordre le financement de ses retraites va se
retrouver dépourvu lors du choc démographique de 2005-2008. Cela a des
conséquences directes sur les finances publiques, soit parce que les déficits
publics intègrent ceux des caisses de retraite de la Sécu, soit parce
que l'Etat gère en direct les retraites des fonctionnaires",
poursuit ce diplomate. Début 2002,
les recommandations de la Commission et du conseil sur les programmes de
stabilité budgétaire des Etats membres étaient truffées de satisfecit
- pour la Grande-Bretagne - ou d'admonestations - pour la France, la Grèce,
l'Espagne - sur l'évolution de la réforme des retraites. Le dossier
reste très sensible : "Si on le transforme en une querelle
idéologique, on risque de paralyser les Etats qui n'ont pas encore fait
de réforme, commente un diplomate. Si on donne l'idée que "Bruxelles
= fonds de pension", on ne fera pas progresser le débat." FAIR USE NOTICE: This page contains copyrighted material the use of which has not been specifically authorized by the copyright owner. Global Action on Aging distributes this material without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes. We believe this constitutes a fair use of any such copyrighted material as provided for in 17 U.S.C § 107. If you wish to use copyrighted material from this site for purposes of your own that go beyond fair use, you must obtain permission from the copyright owner.
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