Les fonds de pension volent au secours des prestations versées par les entreprises 

Par: Philippe Ricard
Le Monde, 19 mars 2001

FRANCFORT de notre correspondant.

Va-t-on voir les puissants syndicats allemands se lancer dans la création de fonds de pension ? La Fédération syndicale, le DGB, et sa principale composante dans la métallurgie, IG Metall, songent à s'engager dans ce genre d'activités... au grand dam du patronat.

Les projets du gouvernement devraient, quoi qu'il arrive, contribuer à l'évolution d'un des trois piliers du dispositif allemand de pension : les retraites d'entreprise. Cette formule, coincée entre le dispositif public par répartition et le système privé de capitalisation individuelle, a eu du mal ces dernières années à défendre sa place. Dans un premier temps, les retraites d'entreprise ont été le parent pauvre du projet de réforme. Sous la pression syndicale, le gouvernement a dû revoir sa copie, et affirme désormais vouloir " renforcer " le dispositif.

L'innovation la plus spectaculaire, celle qui donne des idées aux syndicats, est l'introduction de fonds de pension à l'anglo-saxonne. Désormais, il sera possible aux salariés d'adhérer, au titre de la retraite d'entreprise, à de tels instruments. Les employeurs pourront proposer un ou plusieurs fonds privés à leur personnel. Les versements seront effectués soit à la charge de l'entreprise, soit à la charge des salariés, dans la limite de 4 % de leur revenu brut, soit par panachage des deux sources.

Si une société ne propose pas de retraite d'entreprise collective, les employés auront la possibilité d'exiger une adhésion individuelle à un fonds. Ils bénéficieront des droits liés à cet instrument financier dès les premiers versements, alors que les dispositifs traditionnels de retraite d'entreprise prévoient un délai de présence minimum (dix ans actuellement) avant de pouvoir profiter des promesses de l'employeur.

En cas de changement d'entreprise, le salarié partira en conservant son patrimoine et les droits qui y sont liés. 

Autre nouveauté : les fonds de pension, à l'instar d'autres outils utilisés par les entreprises pour constituer une retraite complémentaire à leurs salariés, sont éligibles au programme d'aide conçu par le gouvernement.

" Le principe est nouveau : le fonds va permettre d'élargir les possibilités de placement, en faisant en particulier davantage appel aux marchés boursiers ", dit Erich Standfest, spécialiste de politique sociale à la Fédération des syndicats allemands, le DGB. Cette innovation devrait permettre, espère-t-on, de développer le patrimoine retraite des salariés en limitant la mise pour les entreprises.

" L'autre caractéristique de ces fonds illustre un des points-clés de la réforme : les entreprises ne seront plus tenues, comme aujourd'hui, de s'engager sur des prestations retraite, promises à l'embauche et mises en œuvre au départ du salarié, mais sur des cotisations apportées au fil des mois, une fois pour toutes, dit Jürgen Husmann, en charge du dossier retraite à la Fédération des employeurs allemands (BDA). Ce changement doit limiter les risques pris par les employeurs. "

De l'avis général, les retraites d'entreprise avaient besoin d'un bon toilettage. Basé sur la base du volontariat – les entreprises ne sont pas tenues de proposer une telle retraite complémentaire –, le système est régi par une loi dont la dernière mouture remonte à 1974. S'ils le souhaitent, les employeurs peuvent proposer à leur personnel des prestations, souvent financées par le biais de coûteuses provisions. Géré en interne ou sous-traité à des caisses de pension patronales, voire à des compagnies d'assurances privées, ce dispositif commençait à s'essouffler.

" Ce type de retraite complémentaire a perdu de sa signification ces dernières années. Le nombre d'entreprises concernées est en stagnation ; la proportion des salariés ainsi couverts est orientée à la baisse ", dit Jürgen Husmann. L'institut de conjoncture IFO estime à 30 % la proportion d'actifs qui bénéficient d'un tel système. Les disparités entre les branches et selon la taille des entreprises sont très fortes. La formule est en effet courante – voire omniprésente – dans les groupes employant plus de 1 000 personnes. Elle est beaucoup plus rare dans des sociétés modestes, surtout dans le secteur des services. " Les petites et moyennes entreprises ont beaucoup plus de mal à s'engager parfois sur soixante ou soixante-dix ans vis-à-vis de leurs salariés et de leurs parents directs ", constate Erich Standfest.

En outre, le système actuel pénalise les actifs qui suspendent leur vie professionnelle, telles les femmes qui interrompent leur carrière pour éduquer leurs enfants. Il va à l'encontre des intérêts de ceux qui changent souvent d'employeurs : un salarié doit rester dix ans dans une société avant de pouvoir transférer ses droits en trouvant du travail ailleurs (ce délai va être réduit à cinq ans, dans le projet du gouvernement).

" Les retraites d'entreprise bénéficiaient surtout aux salariés dont les salaires sont élevés, qui restent fidèles à leurs firmes. Mais elles ne correspondaient plus aux réalités actuelles, comme le développement du temps partiel ", observe Martin Werding, chef du service de recherche sur les politiques sociales et le marché du travail à l'institut Ifo.

" On peut s'attendre que la réforme annoncée modifiera les habitudes, surtout dans des entreprises de taille modeste ", espère Erich Standfest, du DGB. Fonds de pension, bonus gouvernemental, plus grande souplesse, les partenaires sociaux espèrent que les retraites d'entreprise profiteront, au plus vite, d'une seconde jeunesse.


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