Menaces en cascade sur "une génération sacrifiée"

Le Monde, 24 Mai 1999

Les hypothèses du Plan confirment la « malédiction » qui pèse sur cette tranche d'âge au risque de la désespérer A Gauche comme à droite, dans les milieux syndicaux comme politiques, le constat est unanime : c'est une expertise sur les retraites de qualité que réalise le commissaire au Plan Jean-Michel Charpin. Si d'autres études, innombrables, ont déjà été réalisées sur le même sujet, celle-là est au-dessus du lot. S'appuyant, après quelques tâtonnements, sur toutes les hypothèses économiques possibles ; balayant de nombreux scénarios de réforme, elle permettra au gouvernement – si son ambition est réellement d'engager une réforme – de rendre ses arbitrages. Et à l'opinion d'en mesurer la pertinence.

A étudier de près les nombreuses simulations du Plan, on peine, pourtant, à applaudir. Par-delà leur qualité, c'est une autre réaction qu'elles inspirent : l'inquiétude. Car, quelle que soit la projection réalisée, le même constat vient immanquablement à l'esprit : la génération actuelle n'a que des sacrifices pour perspective.

Dans une étude de la Caisse des dépôts, l'économiste Patrick Artus en explique les raisons : sous les effets du vieillissement de la population – la France comptera 30,7 % de personnes de plus de 60 ans en 2035 contre 19,5 % en 1995 –, « la génération active présente sera sacrifiée ».
Pourquoi ? C'est clair comme un théorème économique : dans un pays où la génération active est nombreuse et peut craindre pour sa retraite, l'épargne est forte et la demande faible.

Du même coup, l'inflation a de fortes chances d'être basse et le chômage élevé, ce qui conduit – premier sacrifice – à « une faible progression des salaires réels ».

BAISSE DU RENDEMENT FUTUR

Mais la « malédiction de la génération nombreuse » ne s'arrête pas là. Ces actifs doivent encore « accumuler beaucoup de capital pour avoir un revenu du capital suffisant pour payer les retraites. De ce fait, le rendement futur du capital baisse (…). De plus, et c'est un mécanisme supplémentaire qui va dans le même sens, l'ampleur des flux d'achat d'actifs financiers fait monter leurs prix aujourd'hui, d'où un rendement futur faible pour ces actifs ».

Pour couronner le tout, « lorsque la génération nombreuse sera retraitée, les conditions macro-économiques seront très différentes : l'épargne globale sera faible puisque les retraités seront nombreux et que la génération suivante est de faible taille ». Du coup, on peut craindre « une reprise de l'inflation, très pénalisante » pour les retraités, ainsi qu'« un retournement des cours boursiers », diminuant d'autant le rendement de leur épargne.

Les craintes de M. Artus sont-elles fondées ? Beaucoup d'experts vont dans le même sens, celui du pessimisme. En faut-il une preuve, on la trouve dès la première étude du Plan sur les scénarios de croissance possible. Loin des propos rassurants souvent entendus, actuellement, selon lesquels la France devrait entrer dans un cycle de croissance, les experts du Plan pointent que, toujours sous le coup du vieillissement, la croissance française pourrait fortement ralentir à long terme, passant d'un rythme annuel de 2,6 % l'an, au début des années 2000, à seulement 1,5 % durant la période 2015-2040.

Le vice-président du Medef (ex-CNPF), Denis Kessler, n'est pas loin de partager cette inquiétude. Bien qu'il ait été un des premiers promoteurs des fonds de pension en France, il lui arrive de dire que le pays a pris trop de retard dans la voie de la capitalisation et que celle-ci, compte tenu des médiocres perspectives boursières pour les prochaines décennies, ne peut plus être une solution pour désamorcer la bombe du financement des retraites. C'est sans doute ici que résident les principales failles des suggestions du Plan. Sans être franchement originales ni nouvelles, elles sont sérieuses, mais elles sont aussi désespérantes. A leur manière, elles confirment la « malédiction »… 



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