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Les Mises Sous Tutelle Tournent en Surrégime

By Blandine Grosjean

Libération, June 1, 2004

C'est la croix des chancelleries passées, présentes et à venir, une affaire qui génère des coûts explosifs dans l'indifférence générale. Le dossier des tutelles et curatelles n'évoque que des choses désagréables : une vieillesse où l'on perd la boule, des vies surendettées qui partent à la dérive, des familles aux abonnés absents. La dernière réforme date de 1968. Depuis, l'espérance de vie a fait des bonds, la précarisation aussi. Dominique Perben, le garde des Sceaux, vient d'annoncer une réforme de la chose pour l'an prochain.

Une mesure qui ne mange pas de pain fait l'unanimité : la création d'un «mandat sur incapacité future», qui permettrait de choisir à l'avance la personne que l'on voudrait désigner comme protecteur en cas de défaillance. La réforme envisage aussi une enquête médico-sociale préalable qui devrait permettre de limiter les mises sous tutelle non fondées. Le contrôle de la déontologie des tuteurs ou curateurs serait, de plus, renforcé. 600 000 personnes se trouvent aujourd'hui sous un régime de protection juridique, en augmentation de 4 % par an. Chiffre auquel il faut ajouter quelques dizaines de milliers de personnes placées sous tutelle aux prestations sociales. Ces proportions n'auraient pas d'équivalent en Europe. Un Français sur cent est donc concerné. Trois catégories «bénéficient» de cette protection : les personnes âgées, les handicapés mentaux et les personnes en grande précarité sociale (1). Pour la collectivité, cela représente près de 230 millions d'euros par an de coûts de gestion (55 % sur le budget de l'Etat, 45 % par les organismes sociaux), avec une augmentation de près de 15 % par an.

Abusif. Pour le constat, tout le monde est d'accord : la machine est partie en vrille. Explosion des mesures mais aussi des placements abusifs, absence quasi totale de contrôle du travail des curateurs (le plus souvent des associations qui gèrent les revenus et les biens des protégés), rôle de protection des juges réduit à la portion congrue pour cause de surcharge de travail. Alors que le fondement premier de l'ouverture d'un régime de protection est «l'altération des facultés mentales et corporelles», il apparaît que de plus en plus d'«accidentés de la vie» alcooliques, toxicomanes, personnes ayant perdu pied à la suite d'un divorce ou d'un licenciement se retrouvent sous tutelle. La tutelle n'est pas qu'une aide à gérer ses sous : elle limite, voire supprime des libertés essentielles comme celle de voter ou de se marier. Le ministère de la Justice a pour ambition de renvoyer ces accidentés sociaux du dispositif judiciaire et de les confier aux conseils généraux.

Le principal défi d'une réforme serait d'instaurer un contrôle du système. La finalité des tutelles étant de «protéger le majeur contre lui-même et contre les abus dont il pourrait être victime», la contrepartie logique de cette privation de liberté serait que son tuteur soit lui-même contrôlé. Or ce n'est pas le cas. Envisagée un moment, l'implication de l'administration des impôts a été abandonnée. Dans de nombreux tribunaux, les greffiers en chef, chargés de contrôler les relevés de comptes annuels, ne le font pas, par manque de temps. Certains tribunaux n'effectuent plus de vérification depuis des années. La plupart des associations, via des jeux d'écritures bancaires à la limite de la légalité, réalisent des profits importants (ce que la réforme interdira). La confusion des genres n'est pas rare : une mission d'enquête, effectuée en 1998, a découvert qu'une même personne pouvait gérer deux associations parapubliques dans deux départements, diriger un cabinet privé de gérance de tutelles et trois foyers de vie où sont logés des majeurs handicapés mentaux.
Sommaire. Aujourd'hui, plus de la moitié des tutelles sont confiées à des gérants extérieurs, parce que la famille est introuvable, en conflit ou incompétente. En 1998, sur 200 dossiers étudiés au hasard, la mission interministérielle a émis de sérieux doutes sur la nécessité d'une protection pour 50 d'entre eux. Dans de nombreux cas, selon la mission, «la décision de protection est prise à l'issue d'une instruction sommaire par un juge isolé, surchargé, excessivement dépendant des avis médicaux et des associations». Plus grave, les décisions prises sont rarement réexaminées. Un fonctionnaire de la Justice explique que l'ampleur du chantier et de ses dysfonctionnements est telle que «l'on peut se poser la question de l'impact d'une quelconque réforme».

(1) La curatelle est ouverte lorsque, «atteints d'altération des facultés mentales ou corporelles, mais sans être hors d'état d'agir eux-mêmes», les majeurs ont besoin d'être conseillés ou contrôlés dans les actes de la vie civile. La tutelle est ouverte lorsque le majeur a besoin d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile. Il perd le droit de vote.


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