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By Patrick Roger, Le Monde
Les députés de la commission d'enquête sur la crise sanitaire de l'été
2003 ont adopté, mercredi 25 février, leurs conclusions. Ils relèvent
d'importantes carences dans le fonctionnement du ministère de la santé,
mais ne mettent pas expressément en cause le ministre. "il y a eu carence dans la gestion politique de cette crise."Dans
son avant-propos au rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée
nationale sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule de
l'été 2003, adopté mercredi 25 février, Claude Evin, ancien ministre
(PS) de la santé, résume en une phrase la "conviction" de ses
membres. Président de la
commission, M. Evin assure que "les insuffisances de la veille
sanitaire n'ont pas permis que des informations exhaustives soient
transmises suffisamment tôt", relevant que "c'est justement
l'une des fonctions du politique que de gérer l'inattendu".
Soulignant que "la sécurité sanitaire, comme toutes les fonctions
de sécurité, est une mission régalienne", il juge que, durant cet
été meurtrier, "le politique a été dramatiquement absent". La conclusion du rapporteur (UMP) de la commission, François d'Aubert, est
d'une tonalité différente. Dès avant la publication du rapport - dont
il est le rédacteur -, le député de la Mayenne a invoqué, mercredi après-midi,
dans les couloirs de l'Assemblée, les "déficiences des structures
de santé et des systèmes d'alerte". Il a déploré, certes, un
"manque de réactivité" des autorités compétentes ; mais il
en a attribué la responsabilité essentielle à la direction générale
de la santé (DGS), insistant à plusieurs reprises sur la "faiblesse
affligeante" du communiqué d'alerte diffusé par celle-ci le 8 août,
qu'il a qualifié de "lénifiant". M. d'Aubert écarte cependant
toute mise en cause du cabinet de M. Mattei : "Ce n'est pas le sujet",
a-t-il estimé. "UNE ESPÈCE D'AUTISME" Derrière la quasi-unanimité qui a prévalu pour l'adoption du rapport (le
PCF avait choisi d'être absent au moment du vote) se révèlent ainsi des
divergences d'appréciation. Jusqu'à la dernière réunion de la
commission d'enquête, la rédaction du texte a fait débat. Ainsi, dans
la version proposée par M. d'Aubert, il était initialement écrit :
"Il n'appartenait pas au cabinet du ministre -de la santé- de donner
l'alerte." Les députés du PS se sont opposés à cette formulation,
estimant qu'elle "gommait toute responsabilité politique dans les
insuffisances de gestion de la crise sanitaire". Une formule plus
nuancée a finalement été retenue : "La mission du cabinet
consistait à informer au mieux le ministre afin que des décisions
puissent être prises le cas échéant", indique la version finale du
rapport. La mise en cause du ministère de M. Mattei ainsi atténuée, la gestion de
la crise estivale par le gouvernement concentre néanmoins l'essentiel des
critiques. Devant la commission parlementaire, deux des ministres
auditionnés - François Fillon (affaires sociales) et Nicolas Sarkozy (intérieur)
- ont admis ne pas avoir été "à la hauteur". En accord sur ce
point, M. Evin et M. d'Aubert se sont étonnés, en revanche, de la réaction
de M. Mattei, "y compris a posteriori" : face aux parlementaires,
le ministre de la santé a martelé qu'il n'avait "jamais rien su"
de la gravité de la situation, n'évoquant qu'une "crise climatique"
et non sanitaire. "Quand il y a 14 947 morts -bilan officiel de la
canicule publié dans le rapport-, je crois qu'on peut parler de crise
sanitaire", a corrigé M. d'Aubert, regrettant "une espèce
d'autisme du ministère de la santé". Le rapporteur a toutefois indiqué que, dans une situation sans précédent, "faute de modèle", il ne lui paraissait pas possible de mesurer d'emblée l'ampleur de la crise, qu'il compare à "un incendie sans flammes". "Peut-être que le cabinet du ministre, la DGS, l'IVS -Institut de veille sanitaire- ont regardé ça sans forcément comprendre ce qui se passait", a avancé M. d'Aubert. "ABSENCE DE CONCERTATION" Le rapport établit une chronologie détaillée des informations recensées,
de leur circulation et des réactions des administrations durant la période
fatidique. Il relève des "anomalies"dans la communication entre
les différents services, que les auditions de la commission avaient fait
surgir : "Il apparaît pour le moins surprenant que deux services
d'un même ministère ne s'échangent pas spontanément les informations
qu'ils détiennent, surtout lorsqu'elles revêtent une importance
sanitaire de premier ordre", est-il ainsi écrit. Outre les ratés de la remontée et de la transmission des informations, la
commission d'enquête souligne d'autres carences : "Dans certains cas,
le problème résidait moins dans l'absence de communication entre
services que dans un manque évident de coopération active." Le
rapport s'interroge sur le fonctionnement même du cabinet du ministre de
la santé : "Cette absence de concertation, peut-on lire, apparaît
d'autant plus regrettable qu'elle a reproduit, en quelque sorte, les
cloisonnements sectoriels de l'administration au niveau du cabinet du
ministre." Le document relève enfin que les informations n'ont pas
davantage circulé d'un ministère à l'autre : "Il est tout de même
permis de s'interroger sur la qualité de la communication entre cabinets
du ministre des affaires sociales et du secrétaire d'Etat aux personnes
âgées et celui du ministre de la santé", concluent les députés. Les défaillances établies par le rapport de la commission d'enquête ont, sans surprise, alimenté les interrogations sur les responsabilités politiques. "Les cabinets, c'est le ministre", a estimé le président de l'UDF, François Bayrou, mercredi sur France-Inter. Le président du groupe PS de l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, s'est pour sa part inquiété des "graves lacunes des responsables politiques et des services de l'Etat en matière de sécurité et de santé publique". Copyright © 2004
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