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Le chikungunya, si lointain, si proche...


Le Monde

Italie

15 Septembre 2007


 

Ici, on parle du "virus". Et tout le monde comprend. On dit : "Le virus ne se transmet pas d'homme à homme." Ou bien : "Le virus s'attaque surtout à nos anciens." Il n'y a que chez les autorités sanitaires de Bologne ou de Rome qu'on parle de chikungunya. 

"Le quoi ?", s'écrie une jeune femme de Castiglione di Ravenna dont les deux voisins ont été affectés la même journée. L'instituteur sourit avec indulgence mais se garde bien de répéter le mot décidément imprononçable. Non. Le virus, ici, dans ce coin de Romagne, une région du nord-est de l'Italie, s'identifie avant tout par son vecteur : le terrible moustique-tigre (Aedes albopictus), connu depuis longtemps, mais devenu en quelques semaines "l'ennemi à abattre". C'est apparemment en bonne voie.

C'est au tout début de juillet que le virus s'est manifesté pour la première fois chez un étranger qui arrivait du continent indien, mais ce n'est qu'au mois d'août qu'on a détecté l'épidémie. Plusieurs personnes âgées habitant les deux villages parallèles de Castiglione di Ravenna et Castiglione di Cervia, uniquement séparés par un canal donnant sur la mer Adriatique toute proche, ont soudain présenté les symptômes de la grippe : grande fébrilité, forte fièvre, maux de tête, douleurs articulaires. "Les grosses chaleurs ainsi que l'air conditionné peuvent avoir ce genre d'effet, dit la pharmacienne du premier village, Benedetta Camerani. C'est la simultanéité de ces affections qui était stupéfiante."

Le docteur Claudio Foglia, qui officie dans le village d'en face, a eu le même soupçon. "Quinze cas en une semaine. Ce ne pouvait être le fruit du hasard." Le 9 août, il prévenait les autorités sanitaires de Ravenne, lesquelles bien sûr étaient en contact avec la direction régionale de Bologne. Une équipe était diligentée dans les deux communes, pratiquant entretiens, examens multiples et prises de sang. La plupart des malades avaient plus de 50 ans, les personnes très âgées étant les plus secouées par l'agression du virus, lequel a également atteint quelques enfants. Certains patients, très affaiblis, ont été hospitalisés pendant quelques jours à Ravenne ; la plupart sont cependant restés chez eux, attendant que s'éloigne la fièvre, habituellement au bout de quelques jours, les douleurs articulaires pouvant durer davantage. Un homme de 83 ans est décédé.

A la mi-août, on recensait 47 cas, et près de 200 vers la fin du mois. C'est à ce moment-là que le virus du chikungunya a été clairement identifié par le laboratoire de l'Institut supérieur de la santé (ISS), à Rome, comme étant à l'origine de cette épidémie. "Nous avions déjà eu en Italie plus de 30 cas de personnes porteuses du virus au retour des zones infectées, mais c'est la première fois que se développait en Europe un foyer de transmission autochtone", explique le professeur Gianni Rezza, directeur du département des maladies infectieuses à l'ISS. Heureusement, la réaction a été rapide de la part des autorités sanitaires de Ravenne, qui ont déclenché la mobilisation générale contre le moustique-tigre, le véhicule du virus.

C'était "l'affaire de tous", ont martelé les autorités médicales, administratives, politiques de la région. D'abord se protéger : par des sprays, des crèmes et l'installation de moustiquaires rigides derrière les portes et fenêtres des maisons. Et puis attaquer : par une désinsectisation massive et obligatoire, et par l'administration d'un produit capable de détruire les larves de moustiques dans les eaux stagnantes. Tous les trois jours, un camion intervient la nuit pour pulvériser un produit répulsif efficace dans les zones publiques - on est prié de mettre à l'abri ses animaux domestiques -, et l'on pratique de même dans les habitations inclues dans un périmètre de 100 mètres autour d'un foyer constaté.
On a surtout procédé à la traque systématique des réservoirs d'ennemis : gouttières, écuelles, arrosoirs, et ces bassins d'eau de pluie réservés au jardinage dont raffolent les habitants. Des messages furent adressés à la population par la radio, les journaux, des fascicules d'information distribués chez les médecins et pharmaciens, dans les cafés, les épiceries. Panique ? "Le mot est peut-être exagéré, sourit la pharmacienne, mais l'angoisse des personnes âgées est palpable. Certaines, débarrassées de la fièvre, avancent encore courbées et fourbues. Et les mamans veulent s'assurer que l'école est bien protégée."

La tension s'estompe pourtant peu à peu. Aucun nouveau cas de contamination par le virus n'a été détecté depuis la fin du mois d'août. "Il est encore trop tôt pour conclure que l'épidémie est enrayée, estime le docteur Alba Carola Finarelli, de la direction sanitaire à Bologne, mais la mobilisation a payé. Il était fondamental d'agir très vite. Non pas pour éradiquer le moustique-tigre, mais pour stopper la transmission du virus. La surveillance épidémiologique doit évidemment se poursuivre." Pour le professeur Gianni Rezza, l'alerte devrait se terminer avec la baisse des températures : "On ne peut pas le dire avec certitude dans la mesure où ce foyer de contamination est une première en Europe, mais il est probable que le virus ne passera pas l'hiver."

Pour le spécialiste italien, qui a craint un instant être en présence de la dengue, une affection bien plus préoccupante que le chikungunya, cet épisode est un avertissement sans frais : "Il faut désormais prévoir la circulation de virus exotiques dans nos pays et mettre en place des techniques diagnostiques en mesure de les identifier avec rapidité", conclut-il. La première mesure préventive est, selon lui, de combattre le moustique-tigre, arrivé en Italie en 1990 et aujourd'hui présent sur tout le territoire, sauf en Val d'Aoste : "Une guerre aussi intense que celle qui a permis à l'Italie de vaincre la malaria."
Bien que relativement bénigne, l'épidémie de chikungunya en Romagne est, pour Gianni Rezza, à prendre au sérieux car "c'est la première manifestation concrète des phénomènes dont on parle beaucoup, comme la globalisation et les changements climatiques". Il a déjà eu une vidéoconférence avec ses confrères français, inquiets en raison de la présence de l'Aedes albopictus en France.

L'apparition du vilain virus aux origines indienne, asiatique ou africaine réveille en tout cas de vieilles craintes du côté de Ravenne. "On ouvre les frontières, on accueille - ravis ou forcés - des milliers d'immigrés venus de l'Est ou d'Afrique dans des conditions déplorables et avec un contrôle sanitaire quasi insignifiant. Qu'on ne s'étonne pas de voir réapparaître des maladies dont nous nous étions débarrassés depuis des lustres ! Ce laxisme finira par nous exploser à la figure", affirme le mari de la pharmacienne de Castiglione di Ravenna. Un avis largement partagé. "Ce virus constitue une alerte, estime le patron de l'Hôtel Diana, à Ravenne. Si nous ne voulons pas voir réapparaître choléra, tuberculose ou malaria, sachons lire le message." 

 


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