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La course aux médicaments du futur bouleverse l'industrie pharmaceutique 

Par: Veronique Lorelle
La Monde, April 16, 2001

En 2002, la moitié des demandes de mise sur le marché aux Etats-Unis concerneront des traitements issus des biotechnologies. Les grands laboratoires, centrés sur les molécules chimiques, sont confrontés au dynamisme des start-up de la génétique. 

Le décryptage du génome humain, dont l'analyse détaillée a été publiée le 12 février, ouvrirait-il déjà la voie à des thérapies nouvelles ? L'industrie pharmaceutique vit sa révolution de velours. Selon la Food and Drug Administration, l'autorité de la santé américaine, 50 % des demandes de mise en marché qu'elle doit examiner pour 2002 concernent des médicaments issus des biotechnologies.Lundi 2 avril, l'américain Merck annonçait avoir commencé, en février, des essais sur l'homme d'un vaccin à base d'ADN contre le sida. L'information avait été tenue secrète pendant deux mois "afin de tempérer les espoirs du public car (ces essais) n'en sont qu'à leurs débuts", a expliqué Gregory Reaves, porte-parole du groupe. Les chercheurs espèrent renforcer le système immunitaire du malade en injectant dans son organisme des fragments du matériel génétique (ADN) du virus lui-même.Dans la leucémie, le suisse Novartis pourrait battre des records pour l'autorisation de mise sur le marché, à l'échelon mondial, d'un médicament découvert par des méthodes de la "nouvelle biologie". 

Aux Etats-Unis, ce produit, baptisé Glivec, fait l'objet d'un examen prioritaire, une procédure octroyée à tous les médicaments qui répondent à un besoin médical non satisfait ou améliorent le traitement d'une maladie potentiellement mortelle. Le Glivec, qui vise l'une des formes les plus courantes de leucémie (la leucémie myéloïde chronique ou LMC), est considéré comme un progrès thérapeutique majeur, car il n'affecterait pas les cellules saines du malade. Il cible une protéine anormale due à une anomalie chromosomique présente chez la majorité des patients atteints de LMC. Aux Etats-Unis, où le groupe bâlois a mis en place une permanence téléphonique, 13 000 appels de patients et de médecins avaient été enregistrés au 12 avril, sur les huit jours qui ont suivi une publication scientifique dans le New England Journal of Medecine. Si le Glivec s'affirme comme une thérapie efficace, il pourrait générer 1 milliard de francs suisses (657 millions d'euros) chaque année, estime la société suisse.Le décryptage du génome, et les progrès en génétique qui l'ont précédé, bouleverse les fondements de la médecine. "Il est encore trop tôt pour parler de thérapie génique. En revanche, les connaissances que nous avons du génome permettent une identification à vitesse accélérée des origines des maladies. 


Nous pouvons étudier le génome d'une famille de patients obèses et le comparer à la carte du génome normal qui vient d'être complétée. A partir de là, nous pouvons repérer des cibles et élaborer de nouvelles solutions thérapeutiques", explique Robert Kohen, directeur médical de Pharmacia Upjohn en France. Ce groupe américain dispose lui-même d'un médicament novateur, en essais cliniques contre le cancer colorectal. Un grand nombre de laboratoires espèrent désormais améliorer le sort des patients et de leurs finances, grâce à l'arrivée des "médicaments du futur". Jusqu'au groupe chimique allemand Bayer, inventeur de l'aspirine, au quinzième rang de la pharmacie mondiale, qui promet "d'ici à 2007" de premiers médicaments issus de la génomique.

EXPLOSION DES CONNAISSANCES

Mais, dans ce nouveau foisonnement d'innovations, les grands groupes ne sont pas forcément les mieux placés. Pour la première fois, les start-up disposent de plus de produits en fin de développement que l'industrie pharmaceutique dans son ensemble. 350 produits en phase 3 (essais sur l'homme) sont dans les cartons des sociétés de biotechnologie contre moins de 75 pour les vingt premiers laboratoires mondiaux, estime l'entreprise d'investissement Global Equities. "C'est un tournant majeur et historique dans l'industrie des biotechnologies. Il se produit au moment où l'industrie pharmaceutique est menacée par une perte potentielle de chiffre d'affaires, surtout aux Etats-Unis, en raison de l'arrivée à expiration des brevets sur des molécules majeures. Les sept plus gros médicaments représentent un chiffre d'affaires cumulé de 20 milliards de dollars (22,5 milliards d'euros), soit une perte potentielle de capitalisation boursière pour le secteur pharmaceutique de près de 150 milliards !", analyse Marie-Hélène Leopold, directeur général adjoint de Global Equities.Comment expliquer qu'une myriade depetites sociétés fassent mieux que les vingt majors dont c'est le métier depuis, parfois, plus d'un siècle ? L'une des raisons tient à l'explosion brutale des connaissances en biologie et à la complexité des données à traiter. Pendant des décennies, l'industrie pharmaceutique a trié puis testé au hasard des millions de molécules. Cette méthode mobilisait une armada de chercheurs, avec des résultats souvent décevants sur des pathologies graves, comme les cancers. 

Grâce aux nouvelles connaissances sur le génome humain, les chercheurs pénètrent aux tréfonds des mécanismes de la vie. "C'est une immense différence: maintenant, on sait ce qu'on cherche", indique l'un d'eux. C'est pourquoi de petites équipes, spécialisées par projet thérapeutique dans les start-up, avancent à pas de géant dans la découverte de nouvelles thérapies."Les start-up s'avèrent beaucoup plus efficaces en recherche que les laboratoires pharmaceutiques qui ne savent pas, en tant qu'industriels gérer l'innovation. Ces derniers, en revanche, sont très performants dans le développement clinique des médicaments et le marketing", précise Philippe Cottet, analyste chez Crédit lyonnais Securities. Ces dernières semaines ont donc vu se tisser des accords, de plus en plus ciblés et coûteux, entre sociétés de biotechnologies et industrie pharmaceutique.

CAUSE COMMUNE

Le 12 mars, l'américain Abbott a acquis 250 millions de dollars (281 millions d'euros) d'actions de son compatriote Millennium, pour sceller leur alliance dans le domaine des diabètes et de l'obésité. Le 8 février, le laboratoire français indépendant Servier et l'américain Hybrigenics faisaient cause commune pour la découverte de cibles thérapeutiques contre le cancer. Le 2 avril, Aventis décidait d'augmenter sa participation, "par un investissement minimum de 20 millions de dollars (22,5 millions d'euros)", dans l'américain Introgen, spécialisé en thérapie génique. Enfin, le géant américain de pharmacie et cosmétiques, Johnson & Johnson, n'a pas hésité, quant à lui, à acquérir la société de biotechnologie Alza, le 27 mars, pour 10,5 milliards de dollars (11,8 milliards d'euros), soit 50 % de plus que l'offre d'Abbott, un an plus tôt.Après avoir fait ses emplettes de médicaments auprès des start-up, l'industrie pharmaceutique se trouve confrontrée à une problématique toute nouvelle. "La vraie question est de savoir comment développer, parmi tous ces candidats-médicaments qui arrivent, ceux qui ont une chance d'être les plus utiles, souligne M. Kohen. Il nous faut trouver une méthodologie fiable pour qu'on ne se fourvoie pas, des années, dans des molécules sans avenir."