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Le gouvernement hésite à priver de remboursements des médicaments que les experts jugent peu efficaces

By: Paul Benkimoun et Isabelle Mandraud
Le Monde, May 17, 2001

Le gouvernement, qui doit présenter d'ici à la fin du mois ses mesures pour endiguer la progression des dépenses de médicaments, souhaite obtenir avec les industriels un accord sur les volumes des prescriptions. Prenant les devants, la profession justifie la consommation médicale par la "vérité des besoins". Le bilan de l'assurance-maladie atteste d'une augmentation des dépenses par rapport à l'objectif national voté par le Parlement. 

Mdecine douce ou traitement de choc ? Maintenant que le travail de révision de l'ensemble de la pharmacopée est achevé, place aux décisions politiques. 

Le gouvernement s'apprête, en effet, à arrêter des mesures sur le remboursement de ces médicaments. A la veille de la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale, le 7 juin, le temps presse : selon les statistiques provisoires de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) publiées mardi 14 mai, les dépenses continuent de croître malgré un petit ralentissement : sur les quatre premiers mois de l'année, l'augmentation a atteint 4,7 % par rapport à 2000, alors que l'objectif voté par le Parlement est de 3,5 % sur l'année. 

La hausse est particulièrement marquée - 9 % - pour les produits pharmaceutiques. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les quinze millions de feuilles de soins en attente de traitement dans les caisses primaires...

VOLUMES DE PRESCRIPTION

La commission de la transparence, intégrée à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui a procédé à l'examen des 4 500 spécialités, a apporté un autre argument pour revoir les règles de remboursement : elle conclut que 835 médicaments (soit 18,6 % des produits remboursés) ont un service médical rendu jugé "insuffisant". Plusieurs scénarios sont donc à l'étude chez Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner. 

Dans l'entourage de la ministre de l'emploi et de la solidarité, on écarte "un plan Veil 1993 bis" avec des privations de remboursement massives. A l'approche des élections présidentielle et législatives, cette hypothèse paraît trop radicale.Cela n'exclut pas, à la marge, la poursuite de baisses de prix pratiquées ces dernières années sur certains médicaments jugés "inefficaces, voire à risques". 

Autre piste avancée par le ministre délégué à la santé : aligner les tarifs d'un médicament sur celui de son générique. Mais, plutôt que les prix, les ministres concernés souhaiteraient jouer sur les volumes de prescription de certaines classes thérapeutiques, par exemple les antibiotiques, dont l'utilisation massive est à l'origine d'une augmentation préoccupante des bactéries résistantes. "Si les industriels réduisent leurs volumes de vente, nous sommes prêts à faire des efforts sur les prix", insiste un conseiller.

De fait, le gouvernement espère trouver un terrain d'entente avec les laboratoires pharmaceutiques en privilégiant les accords conventionnels, dont il veut ""maximiser" le rendement". Ces dispositions permettent aujourd'hui aux industriels signataires d'être exonérés de la contribution financière redevable en cas de dépassement des objectifs de dépenses. 

Jusqu'ici, les laboratoires ne s'en sont pas trop mal portés, puisque le chiffre d'affaires de la profession, en France, a progressé de plus de 7 % en 2000, pour s'élever à 112,8 milliards de francs.

Prenant les devants, le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) et les entreprises regroupées dans les Laboratoires internationaux de recherche (LIR) sont partis en guerre contre l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam), fixé chaque année par le gouvernement et le Parlement. 

Appliqué au médicament, ce cadre"ne paraît pas constituer une référence compatible avec les besoins de santé de la population, l'apport de l'innovation thérapeutique, la politique gouvernementale de santé publique et les actions entreprises par les pouvoirs publics en matière d'évolution de l'organisation du système de soins", justifient les deux organisations.

Elles ont présenté, mardi, une étude sur l'évolution des besoins médicaux en France. "Il n'y a pas une dérive des dépenses de médicaments, mais une dérive des besoins", souligne Jean-Jacques Bertrand, président du SNIP. 

A partir de dix-huit affections "majeures", telles que l'asthme, l'ostéoporose, le cancer ou encore la maladie d'Alzheimer, les industriels ont donc entrepris de démontrer, chiffres à l'appui, leur mauvaise prise en charge par le système de soins et la "vérité des besoins". 

Ainsi, 10 000 patients sont aujourd'hui soignés pour la sclérose en plaques, "alors que 25 000 personnes sont éligibles au traitement". 

Dans le cas de l'asthme, "un patient sur six est insuffisamment traité aux stades les plus sévères" et "un sur deux" seulement aurait recours régulièrement au remède le "plus adapté".

 Une démonstration qui justifie à elle seule, selon eux, la progression de la consommation médicale.Plus discrètement, les industriels mettent aussi en avant "les conséquences lourdes" en termes d'emploi que pourraient avoir des privations de remboursement de médicaments. 

Un argument à manier cependant avec précaution : malgré un mouvement constant de concentration des entreprises, les derniers chiffres-clés du secteur, qui emploie près de 100 000 personnes, indiquent qu'il embauche plus de 1 000 salariés par an.