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Pour ou contre la DHEA ?

By: Vincent Olivier
L'Express, July 19, 2001


Un rapport officiel est sévère envers l'utilisation de cette molécule pour prévenir le vieillissement. Dès lors, peut-on en prendre sans risque? Le débat est lancé

Le Pr Etienne-Emile Baulieu, découvreur de la DHEA, reste serein.

Qui se trompe? Le Pr Baulieu, qui estime que la DHEA présente un bénéfice «incontestable»? Ou l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), pour qui les études sur le sujet n'ont à ce jour montré «aucune preuve formelle d'efficacité»? Le premier est un savant mondialement reconnu, la seconde est une instance officielle nationale, rassemblant les spécialistes les plus pointus. Et pourtant, les points de vue sont pour le moins divergents... Preuve qu'en matière scientifique la notion de vérité est parfois fluctuante, rarement définitive.

«En matière de santé, le succès populaire crédite l'effet placebo, pas l'effet réel»

Le rapport de l'Afssaps, demandé par le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, et rendu public la semaine dernière, est particulièrement sévère. Au point même de nier à peu près tout intérêt thérapeutique à cette molécule, censée combler un déficit naturel de production et lutter ainsi contre les effets du vieillissement. La DHEA a-t-elle un effet biologique direct? Non, répond l'Afssaps. Une action, même indirecte, positive et évaluable sur le vieillissement? Pas davantage. Comporte-t-elle des risques pour ceux qui en absorbent, notamment en matière de cancer? Oui, affirme l'agence. Pourquoi, alors, un tel engouement de la part du grand public? «Je ne sais pas, avoue Jean-Hughes Trouvin, responsable de la direction de l'évaluation des médicaments. Mais après tout, on arrive bien à lancer des spectacles nuls, ou des cosmétiques superflus. En matière de santé, le succès populaire crédite l'effet placebo, pas l'effet réel.» 

A bon entendeur...

Face à ces attaques, le Pr Etienne-Emile Baulieu, «père» de la pilule abortive (le RU 486), découvreur de la DHEA, se veut pourtant serein. «Ce n'est pas la première fois que les "chapeaux pointus", comme je les appelle, c'est-à-dire le monde médical, font preuve d'une certaine capacité de crispation... Au fond, ce n'est sans doute qu'une tendance réactive, un mouvement de pendule en quelque sorte, devant les excès médiatiques qui ont accompagné la publication de nos travaux.» De fait, le Pr Baulieu a beau jeu de faire remarquer qu'il n'a jamais employé les termes de «pilule de jouvence». «On ne guérit pas du vieillissement, insiste-t-il. En revanche, vu que ce produit ne comporte pas d'inconvénients, à quelques exceptions près, je ne vois pas pourquoi on s'en priverait.»

C'est bien là que réside le malentendu. Car, au-delà de la querelle de spécialistes, il reste bien des points d'interrogation autour de la DHEA. La baisse de sa production par l'organisme est-elle, par exemple, un marqueur fiable du vieillissement? Le doute n'est pas permis, estime la Pr Françoise Forette, gérontologue à l'hôpital Broca (Paris), qui a coordonné avec le Pr Baulieu l'étude DHEAge. «Je suis d'accord avec 80% des conclusions de l'Afssaps, même si celle-ci se contente souvent d'enfoncer des portes ouvertes, sur les précautions d'emploi notamment. Mais, contrairement à ses affirmations, dans au moins trois domaines (la peau, le métabolisme osseux, la libido chez les femmes de plus de 70 ans) les résultats sont statistiquement significatifs.»

Pas du tout, rétorque l'agence. Dans la mesure où, pour 40% des patients étudiés, le taux de DHEA ne baisse pas au cours du temps, cet indicateur n'est pas pertinent. En outre, pour une même tranche d'âge, les variations sont très importantes (de 1 à 20!) selon les individus. Enfin, et ce n'est pas anodin, la prise de DHEA fait baisser le taux de «bon» cholestérol, celui qui protège les artères. Et pourrait déclencher ou favoriser certains cancers dits «hormono-dépendants», en particulier ceux du sein, de la prostate, voire du rein. Si l'on ajoute à cela les effets secondaires parfois constatés (acné, hirsutisme...), à l'origine de la majorité des arrêts de traitement, on comprend que l'avis de l'Afssaps soit globalement négatif.

Pourquoi alors, si ce produit comporte tant d'inconvénients, ne pas avoir interdit la commercialisation de la DHEA? C'est «hypocrite», dénonce Françoise Forette. «Ambigu et incohérent», ajoute Etienne-Emile Baulieu. A cela Jean-Hughes Trouvin répond qu'il aurait fallu pour cela «des arguments de sécurité sanitaire majeurs. Ce n'est pas le cas, il s'agit plutôt de risques potentiels à long terme seulement. Aux prescripteurs éventuels, les médecins, de prendre désormais leurs responsabilités.»