Home |  Elder Rights |  Health |  Pension Watch |  Rural Aging |  Armed Conflict |  Aging Watch at the UN  

  SEARCH SUBSCRIBE  
 

Mission  |  Contact Us  |  Internships  |    

        

 

 

 

 

 

 

 

 



On ne peut anticiper sa vieillesse

 

Par Bernadette Puijalon, Seniorscopie.com

 

8 décembre 2008

 

France

 

C'est peut-être parce qu'elle est un événement qu'on ne peut anticiper sa vieillesse. C'est peut-être parce qu'il s'agit de la suite d'une action que l'on a mené tout au long de sa vie que l'on peut aménager son logement sans traumatisme pour s'y maintenir. Anthropologue, directrice du master de gérontologie de l'université de Paris XIII, Bernadette Puijalon présente les caractéristiques du vieillissement et éclaire les conclusions de l'étude TNS Sofres.


Entre grandeur et déclin


Pourquoi a-t-on autant de mal à se projeter dans son vieillissement personnel ? Co-auteur de "Le droit de vieillir" (Fayard, 1999), Bernadette Puijalon note que certaines sociétés traditionnelles conçoivent le vieillissement comme une croissance et une élévation de l'individu. Avec les années, il grandit jusqu'à se situer hors d'atteinte. A l'opposé, la société occidentale conçoit le vieillissement comme une courbe avec une montée, une progression, un plateau et un déclin. Certaines phases sont difficiles à accepter. "On a demandé aux gens de se projeter dans un avenir qui implique d'envisager d'éventuelles pertes qui demeurent à préciser et la métamorphose du vieillissement." Anticipation, réalisation, autonomie sont des maîtres-mots de cette évolution.


Le "rester" jeune opposé au "devenir"


La société insiste sur le "rester". Le "rester jeune" est rassurant, opposé au devenir qui est plus incertain. La jeunesse est une valeur positive, le vieillissement implique une dégradation des facultés, du statut, une évolution négative.


L'anticipation est marquée par la conscience de vieillir. Elle s'inscrit dans un vécu du temps qui intègre deux temporalités :
le temps objectif qui chemine régulièrement vers la mort d'un pas égal, avec une progression quotidienne le présent éternel. La conscience, si elle est honnête, ne nous parle pas du vieillissement au cœur du grouillement des instants présents. Pour prendre conscience de l'écoulement du temps, il faut s'arrêter, réfléchir, se donner une vision synoptique de la vie que permet le fait de se placer en extériorité par rapport à soi-même.


Le déni de la vieillesse 


Le déni de la vieillesse apparaît dans le sondage. On n'ose pas se projeter. On peut concevoir l'existence d'un sage qui survolerait la triste vérité de sa vie brève sans perdre la sérénité de l'instant présent. Mais habituellement sérénité et lucidité s'excluent. Il est difficile d'imaginer que le spectateur, complètement détaché de sa propre vie, contemplerait sa finitude avec un parfait sang froid. Sur un autre mode, placé à l'intérieur de son devenir sans jamais le survoler, il peut envisager de le vivre dans la plénitude de l'insouciance. De ce fait, chacun oscille entre la "surconscience" et l'inconscience.

 


Les signes annonciateurs et le signe déclencheur de la réalisation


Les signes annonciateurs sont nombreux : une nouvelle ride, une exercice physique habituel que l'on fait avec plus de difficulté. Une petite voix vous alerte, mais d'usage, on se refuse à l'entendre. La conscience de vieillir surgit lorsque l'expérience du vieillissement et la perception que l'on en a interfèrent l'une avec l'autre, alors qu'elles sont normalement disjointes.


Cette prise de conscience est une prise au sérieux du fait que jusque là on se refusait à considérer. La conscience de vieillir est l'événement en vertu duquel l'homme et la femme s'avisent pour la première fois de l'usure du temps. La réalisation de la vieillesse est la première interférence du temps vécu et du temps survolé, la première rencontre de l'homme avec son destin.


"Réaliser" ce n'est pas rendre réel, c'est permettre de découvrir la portée et la gravité véritable de certains signes. C'est découvrir ce que l'on a déjà trouvé, apprendre ce qu'on sait déjà et percevoir ce qu'on a toujours vu mais sur quoi on ne s'arrêtait pas.


La vieillesse est un événement


Le signe déclencheur de la vieillesse est une chute. La vieillesse est un événement. Elle induit donc un effet de surprise. On est confronté à la surprise de vieillir et à la gêne que cela peut procurer. La vie s'est écoulée et je suis devenu vieux. C'est inimaginable ! Mais, du coup, le concept abstrait de la mort se révèle soudain à l'homme comme un événement effectif. Elle le concerne désormais dans son vécu. La personne vieillissante ne quitterait pas la sphère impersonnelle des lieux communs, de l'extériorité, si elle ne faisait le lien avec sa propre mort. La personne vieillissante ne va pas apprendre à la lettre la date de sa mort mais elle en éprouve intensément la proximité du fait que la vieillesse la frappe. C'est là où le courage devient particulièrement nécessaire.


Anticipation, laquelle ?


Anticipation ? Oui mais laquelle ? Que vais-je anticiper ? De quoi ai-je conscience ? Y aura-t-il une progressivité vers la mort (maladie d'Alzheimer) ou une rupture brusque (un accident) ?
Mais même s'il y a progressivité, les professionnels soulignent la difficulté qu'il y a à anticiper. En effet, il faut se projeter dans un avenir plus difficile. Mais, on vit toujours avec le secret espoir que "le pire est pour les autres". "On va attendre un peu" est la phrase la plus souvent entendue. "On a beau les prévenir. Ils n'arrivent pas à anticiper que ça va être dur", indiquent les praticiens. Il faut que la noria des allers et retours entre l'information reçue et la prise de conscience produise lentement leur effet. Il faut qu'on laisse du temps au temps pour s'approprier cette nouvelle donne. Il faut trouver le bon rapport au temps.


Modifier le logement c'est aussi l'améliorer au long de la vie


Le logement : toute sa vie, on le modifie. Le pouvoir que l'on a sur les choses, plus que sur soi même, permet d'envisager la modification du logement comme une amélioration. La perspective de l'amélioration du logement peut être vécue de façon positive. C'est plus dur lorsque l'on envisage les pertes de mémoire qui sous-tendent la dissolution progressive de l'identité narrative et aussi la perte d'autonomie.


"Ne plus pouvoir faire" et "se retrouver aux mains des autres" représentent deux définitions en creux de l'autonomie, souvent confondues. Rousseau ne redoutait pas de dépendre des choses. On en est dépendant toute sa vie. Il redoutait davantage de devenir dépendant des autres. Ceci revenait pour lui à un asservissement difficilement imaginable.


Refuser l'aide de ses enfants, c'est aussi refuser de se retrouver dépendant, asservi par la volonté de quelqu'un d'autre. Accompagner une personne dans sa dégradation physique et mentale est une épreuve. Elle est aussi un voyage qui enrichit l'individu, les proches, les familles, par le partage des expériences de la maladie. Il oppose la parole au silence de l'absence. 


More Information on World Elder Rights Issues 


Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use  |  Privacy Policy  |  Contact Us