Vieillir avec le VIH-sida

Par Patrick Rodrigue, AbitibiExpress

10 mai 2011

Canada

Brigitte Laliberté et André-Pierre Beaudoin estiment qu’il faut dès maintenant sensibiliser la population plus âgée aux préjugés à l’endroit des personnes vivant avec le VIH-sida. (Photo: Patrick Rodrigue)

Même à 60 ans, les préjugés sont tenaces

Si vieillir n’est pas toujours une sinécure, pour les personnes vivant avec le VIH-sida, aborder la soixantaine peut s’apparenter à une épreuve digne de l’ascension de l’Everest. Car en plus de vivre avec les effets de la maladie et des médicaments, elles doivent aussi composer avec les inconvénients liés à l’âge.

Si l’on fixe habituellement à 65 ans la limite à partir de laquelle un individu est considéré comme âgé, ce seuil est de 50 ans pour les personnes vivant avec le VIH-sida. Or, grâce aux progrès de la médecine, leur espérance de vie s’est accrue. C’est le cas d’André-Pierre Beaudoin, qui franchira bientôt le cap de la soixantaine après avoir vécu avec le VIH-sida depuis maintenant 26 ans.

Symptômes plus durs à cibler

«Avant, c’était plus facile de vivre avec la maladie. Maintenant, quand j’éprouve des symptômes particuliers, je ne sais plus si c’est dû au VIH-sida, aux traitements ou simplement à l’âge», mentionne-t-il.

De plus, la manifestation d’un cas de VIH-sida parmi les 50 ans et plus provoque toujours son lot d’incrédulité. «Je ne m’affiche pas publiquement, mais je ne cache pas ma condition si on me le demande. Et quand je le fais, beaucoup sont surpris. Parce que j’ai presque 60 ans. Certains vont être curieux et poser des questions, d’autres vont plutôt me considérer comme un extraterrestre», relate M. Beaudoin.

Car les préjugés ne s’amenuisent pas avec l’âge. «Même si les gens sont beaucoup mieux informés sur la maladie qu’il y a 30 ans, on vit encore le syndrome du pas dans ma cour. Les gens sont ouverts quand on leur parle du VIH-sida, mais quand ils se retrouvent avec un cas réel, surtout quand elle est plus âgée, c’est autre chose. Ils admettent difficilement que ça pourrait leur arriver à eux aussi», signale André-Pierre Beaudoin.

Des pionniers

Selon Brigitte Laliberté, intervenante au Centre des ROSÉS, qui apporte depuis huit ans du soutien aux personnes vivant avec le VIH-sida, les malades qui abordent maintenant la soixantaine doivent aussi, en quelque sorte, vivre avec l’étiquette de pionniers.

«Ils font partie des premières personnes à avoir contracté le virus au début des années 1980. Ils ont aussi été les premiers à expérimenter les thérapies. Ils ont également été les premiers à démontrer qu’on peut survivre avec la maladie. À présent, ils sont les premiers à vieillir avec la maladie», énumère-t-elle.

Sensibiliser les aînés

Ce vieillissement risque cependant d’apporter son lot de problèmes. Comme la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans au Québec sera appelée à doubler d’ici une vingtaine d’années, on peut en effet s’attendre à une hausse marquée du nombre d’aînés vivant avec le VIH-sida. Avec les coûts que cela impliquera dans le système de santé.

C’est que les cas de co-infection avec une autre maladie chronique, par exemple le cancer ou le diabète, sont plus fréquents chez les personnes vivant avec le VIH-sida. Avec leur vieillissement, une multiplication des cas est donc à prévoir.

«Je crois que le système de santé sera en mesure d’y faire face. Là où les problèmes risquent de se manifester, ce sera dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée. Pas avec le personnel, mais avec les autres bénéficiaires, dont certains risquent de manifester des préjugés ou simplement de la crainte. D’où l’importance de sensibiliser tout de suite la population sur ce qui s’en vient», fait valoir Mme Laliberté.

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